Dernière grande bataille de la marine à voile et évènement incontournable menant à l’indépendance de la Grèce, la bataille de Navarin voit une flotte ottomane affronter une flotte coalisée russe, britannique et française.
Une bataille à l’avantage des coalisés.
I - Contexte
A partir du XVIIIe siècle, le pouvoir ottoman commença à s’affaiblir et devint, au fil des années, de plus en plus faible. Cet affaiblissement du pouvoir central permit aux gouverneurs locaux de gagner en pouvoir et d’accroître la pression fiscale.
A partir du milieu du XVIIIe siècle, les marchands et émigrés grecs passant par leur pays d’origine transmirent à ses habitants les idées des philosophes des lumières qui se propageaient alors en Europe.
Des idées des lumières qui firent naître un sentiment national grec et une envie d’indépendance du maître ottoman.
La guerre pour l’indépendance commence ainsi le 25 mars 1821 comme une simple révolte près d’un monastère mais les victoires successives poussèrent la Première Assemblée Nationale d’Epidaure à proclamer l’indépendance le 1er janvier 1822.
Malgré quelques succès initiaux, l’intervention de l’Égypte de Méhémet Ali (celui qui a failli détruire les pyramides de Gizeh) permet aux ottomans de renverser la balance tandis que les grecs s’enfoncent dans une guerre civile.
Les puissances européennes étaient partagées sur l’attitude à adopter avec ces indépendantistes.
Si l’Autriche refuse toute intervention pour garder l’équilibre du Congrès de Vienne, les anglais, les français et les russes ont tous des intérêts dans une Grèce libre.
Ils adoptent alors des positions très ambiguës qui permettent à leurs amiraux de ravitailler en secret les insurgés.
Mais plusieurs massacres et la chute de Missolonghi émeuvent l’opinion internationale et la France, la Grande Bretagne et la Russie signe le traité de Londres le 6 juillet 1827 pour faire pression sur les belligérants pour arrêter les combats avec une possibilité d’intervention militaire en cas de non respect du traité.
Les grecs acceptent l’armistice (ils avaient demandés ce traité) contrairement aux égyptiens et aux ottomans qui sont sur le point d’attaquer Hydra où se trouver la flotte grecque, son arsenal et une des dernières forteresses encore dans les mains des insurgés.
Pour empêcher cette attaque, la flotte des coalisés se dirige vers le point de ralliement de la flotte ottomane dans la baie de Navarin. La pression ainsi exercée pourrait suffire à sortir l’Égypte du conflit et empêcher ses troupes de continuer à ravager le Péloponnèse.
II - La bataille de Navarin
La flotte ottomane compte entre 80 et 90 navires dont seulement 60 ont une véritable valeur au combat (les autres étant des navires de transport).
Avec 3 ou 4 navires de ligne de 74 canons, des frégates, des corvettes, des sloops et des brûlots, la flotte totalise 22 000 hommes d’équipage et 2 000 canons.
En face, les coalisés comptaient sur 27 navires (12 britanniques, 7 français et 8 russes) pour une puissance de 1 300 canons et environ 7 500 hommes.
Une infériorité numérique largement compensée par des marins plus qualifiés ainsi que des navires et des canons plus puissants.
La flotte ottomane s’était positionnée dans la baie de Navarin dans une formation en fer à cheval.
Les coalisés commencent leur entrée dans la baie en fin de matinée le 20 octobre 1827 et positionnent leurs plus gros navires face aux ottomans tandis que les frégates et les brics devaient restés en mouvement pour s’occuper des brûlots si une bataille avait lieu.
Car aucun camp ne voulait tirer le premier coup de feu.
Encore aujourd’hui, on ne connaît pas précisément l’identité du navire qui tira le premier car sa nationalité est disputée entre les deux camps qui rejettent la faute sur l’autre.
Dans tous les cas, c’est une bataille à l’ancre qui se joue pour tous les navires ottomans et une partie de la flotte coalisée. Les navires voient ainsi vite leur visibilité et leur communication fortement mise à mal par la fumée des canons qui emplit la baie.
Seules les frégates coalisées restèrent en mouvement et subirent de gros dégâts par les navires ottomans qui voulaient les empêcher de s’occuper des brûlots.
Plusieurs de ces bombes flottantes furent ainsi capturées lors de cette bataille dont le déroulé du combat reste assez flou, chaque navire restant immobile et tirant sur l’ennemi qu’il parvenait à voir.
Après 4 heures de combat (vers 18 heures), le bataille cessa même si les marins coalisés restèrent à leur poste de combat toute la nuit et coulèrent quelques brûlots et frégates s’approchant de leur navire.
III - Conséquences
La victoire est nettement en faveur des coalisés.
Ils coulèrent 60 navires ottomans et leurs infligent 6 000 morts et 4 000 blessés (dû au refus des équipages de se rendre et préférant se battre jusqu’à la mort à la demande du sultan) tandis qu’ils pleurent 174 morts et 475 blessés.
Aucun navire coalisé ne sombra mais beaucoup furent sévèrement endommagés de part leur position statique de combat à l’ancre qui ne permet pas tellement d’éviter les boulets ennemis.
Après cette bataille, la France organisa un débarquement en Morée avec 1 500 hommes et la Russie déclara la guerre à l’Empire Ottoman.
De peur de voir la Russie prendre Constantinople, le Royaume-Uni et la Sublime Porte parvinrent à un accord laissant l’indépendance à la Grèce en février 1830. Après 2 ans de République, la Grèce devint une monarchie sous la pression des chancelleries européennes.
Le premier candidat, Léopold de Saxe-Cobourg, refuse devant l’ampleur de la tâche et l’impossibilité pour lui d’intégrer la Crète à son royaume.
Il devint tout de même roi en 1831 de Belgique.
Ce fut Othon de Wittelsbach, le deuxième fils du roi de Bavière, qui monta sur le trône grec le 8 août 1832.